La liberté : liberté et libération

La liberté : liberté et libération

« L’homme qui réclame la liberté, c’est au bonheur qu’il pense »

Claude Aveline

Ce thème est un thème très ambitieux. En 2005, lors de ma formation de sophrologue à l’EDHES (Ecole des Hautes Etudes de Sophrologie), j’avais eu l’audace de dire à Jean-Pierre Hubert, notre enseignant, un des précurseurs de la sophrologie avec Caycedo, que « je me sentais libre ! ». Ce à quoi il m’avait répondu, avec un sourire compatissant et bienveillant, « que la liberté était très relative… ». Presque 15 ans plus tard, quand je repense à ce moment, j’en souris, de cette douce naïveté que je pouvais avoir. 

Car, avec davantage de conscience et d’expérience, je me suis rendu compte que la liberté est un vaste sujet, qui recouvre tant de travail pour l’obtenir, conditionnée qu’elle est, par de multiples voiles qui nous « définissent » et nous empêchent, justement, d’être libre.

La liberté, une valeur fondamentale

Malgré tout, cette question est plus que jamais d’actualité. 

N’oublions pas que cette valeur est la première valeur affirmée dans notre devise nationale et dans les déclarations des droits de l’Homme de 1789 et de 1948.

La liberté est au cœur de mes préoccupations et de mes accompagnements, notamment, en développant la capacité à devenir autonome et en s’affranchissant de toutes les dépendances possibles auxquelles nous pouvons être assujettis.

Pour ma part, c’est une valeur très importante à laquelle j’essaye de donner de la place dans tous les domaines de ma vie. Ma liberté consiste également à laisser la liberté aux autres.

Quelle définition donner à la liberté ?

Si on s’en réfère au dictionnaire, on en trouve plusieurs définitions, en voici quelques unes :

  • État de quelqu’un qui n’est pas soumis à un maître
  • Condition d’un peuple qui se gouverne en pleine souveraineté
  • Droit reconnu par la loi dans certains domaines, état de ce qui n’est pas soumis au pouvoir politique, qui ne fait pas l’objet de pressions
  • Situation de quelqu’un qui se détermine en dehors de toute pression extérieure ou de tout préjugé
  • Possibilité d’agir selon ses propres choix, sans avoir à en référer à une autorité quelconque
  • État de quelqu’un qui n’est pas lié par un engagement d’ordre contractuel, conjugal ou sentimental

Qu’il s’agisse de liberté spirituelle, de liberté politique, de liberté de la presse, de liberté de pensée, de liberté d’entreprendre, très souvent, toute liberté trouve sa loi dans sa liberté même.

« L’homme est libre, mais il trouve sa loi dans sa liberté même »

Simone de Beauvoir

Pour ma part, la liberté serait de ne pas être sous la dépendance absolue de quelqu’un ou de quelque chose, donc au fond, et pour simplifier, d’être libre de contraintes. Dans un principe de réalité je dirai plus particulièrement de contraintes excessives.

La liberté est donc d’abord un droit, qui est revendiqué et qui a été obtenu au niveau social et politique au travers d’un certain nombre de révolutions.

« Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance il assure l’ordre ; par la résistance il assure la liberté »

Emile Chartier dit Alain

Au niveau spirituel, c’est également un objectif, notamment au niveau de certaines traditions, qui parlent de nous libérer de ce qui est des causes de la souffrance. Et cela nécessite tout un travail et toute une évolution personnelle, un vrai chemin de croissance individuelle.

Mais d’une manière générale, la liberté est de ne pas être soumis à des contraintes excessives.

C’est donc d’avoir la possibilité et la capacité d’agir en harmonie, avec ce que nous sommes au fond de nous et en réalité. Ce qui signifie que cela est de pouvoir être et exister selon notre véritable « nature ».

Et pour apprendre à connaître sa véritable nature, il est important de se connaître soi-même. On en revient toujours au fameux dicton de Socrates, « Connais-toi toi même ».

Et cela se situe toujours à deux niveaux. Premièrement, au niveau qui consiste à comprendre nos caractéristiques, c’est à dire nos perceptions, nos sensations, nos émotions et nos besoins. Et si à ce niveau là, on ne comprend pas ses besoins, si on ne comprend pas ce dont on a besoin, on va avoir des difficultés pour s’orienter dans la vie et comment choisir. On risque d’être frustré ou en excès sur certains domaines de notre vie. Il peut également manquer d’une boussole, de repères pour pouvoir s’orienter. Or, les véritables repères, contrairement à ce que l’on essaye de faire croire dans nos sociétés de consommation, ne viennent pas de l’extérieur mais de l’intérieur de Soi.

Comprendre ses besoins est quelque chose de fondamental. 

Pour être bien, pour évoluer en conscience et rester autonome, il est important de bien se connaître et d’identifier précisément quels sont nos besoins physiques, psychologiques, émotionnels, relationnels et intellectuels en manque ou en excès. C’est ce que je propose de faire aux personnes que j’accompagne en réalisant un bilan bien-être.

Mais il y a un besoin encore plus fondamental, que les besoins physiques, émotionnels, relationnels, intellectuels, même si ils sont très importants, c’est le besoin de spiritualité et « d’éveil spirituel » qui manque tant, selon moi, à nos sociétés dites « modernes ».

Souvent, ce besoin est méconnu. Et pour le découvrir, le ressentir, il est intéressant et important de laisser de la place à l’intimité, au silence, à l’espace voire à l’entraînement de pratiques telles que la méditation. Dans tous les cas, il me semble important que chacun, chacune, puisse trouver de l’espace dans sa vie pour permettre des « moments d’intériorité », de connexion avec « les aspirations profondes de son âme ».

Bien évidemment, dans nos sociétés modernes agitées, cela n’est pas toujours facile. De nombreux obstacles peuvent se mettre en travers de ce chemin

Quels sont les principaux obstacles à la liberté ?

Le principal obstacle à la liberté, c’est d’abord l’ignorance, le fait de ne pas se connaître soi-même et de ne pas comprendre les grandes lois qui régissent notre existence.

Deuxièmement, le fait d’être attaché à beaucoup trop de désirs, qui s’avèrent non satisfaisants et plutôt décevants. Finalement, on passe souvent notre vie à poursuivre un certain nombre de désirs sans avoir détecter au fond quel est notre désir fondamental.

De plus, avoir beaucoup de désirs, implique beaucoup de contraintes pour essayer de les satisfaire, on se heurte à de nombreux obstacles. Ces obstacles nous provoquent de la colère, de la haine, de la jalousie, un certain nombre d’émotions désagréables, car nous n’arrivons pas à les obtenir. Ces émotions désagréables ont des incidences non négligeables sur notre corps et notre bien-être. Bref, nous devenons dépendant d’avoir quelque chose. Et ça c’est extrêmement douloureux.

Au fond, notre véritable liberté dépend de notre qualité d’être. Notre qualité d’être dépend vraiment de la connaissance de Soi, et surtout à une connaissance de Soi à un niveau plus profond que ce que l’on a l’habitude de comprendre quand on parle de « connaissance de soi », c’est à dire la véritable nature de notre existence, que l’on découvre en pratiquant une profonde introspection ou en ayant une profonde attention et une conscience attentive de nos comportements au quotidien.

Cette attention particulière peut nous amener à percevoir que notre propre existence est sans réalité fixe, complètement impermanente et interdépendante dans tout l’environnement dans lequel nous vivons. Cette compréhension là nous aide à nous libérer profondément de beaucoup d’illusions. L’attachement à ces illusions amène, invariablement, à beaucoup de souffrances dont on peut apprendre à se libérer.


Comment s’en libérer ?

En dehors des pratiques connues de la méditation ou de l’attention vigilante, il peut y avoir un certain nombre d’autres préceptes ou de principes simples à appliquer dans nos vies pour apprendre à vivre de façon plus harmonieuse. Ces préceptes assez simples sont ceux que l’on retrouve dans beaucoup de traditions. 

J’en cite quelques exemples : Ne pas tuer, autrement dit, protéger toute vie – Ne pas voler donc ne pas prendre ce qui ne nous pas été donné ou ce qui ne nous appartient pas – Pratiquer le don, le partage, la générosité – Ne pas mentir donc être authentique – Ne pas prétendre à être autre que ce que nous sommes donc être sincère – Ne pas s’intoxiquer, aussi bien de substances physiques, chimiques, psychologiques que relationnelles, etc.

Comment faire face aux contraintes existentielles de la vie ?

Un certain nombre de contraintes existentielles, comme la mort, la maladie, la vieillesse sont inévitables dans nos vies. Personne ne peut éviter d’être malade, de vieillir ou de mourir.

Personne ne peut supprimer ces contraintes existentielles de la vie. On ne peut aller « contre » ces contraintes. En revanche, nous pouvons changer nos attitudes vis à vis de ces contraintes. Au lieu de se révolter ou de résister face à ces contraintes, donc face à l’impermanence, on peut apprendre à s’harmoniser avec elles. Ce que certains appellent dans la croissance individuelle le « lâcher prise » dont je rappelle ci-joint une citation d’un sage indien, qui explique très bien ce que peut signifie le lâcher prise.

« Le lâcher prise, ce n’est pas renoncer à l’action, c’est renoncer dans l’action »

Sage indien Sathya Saï Baba

En d’autres termes, le « lâcher-prise » consiste à reconnaître les pensées désagréables ou les émotions désagréables mais à ne pas s’attacher à elles. C’est le fameux principe d’équanimité. Concernant les émotions, il est particulièrement intéressant de connaître les processus de fluidification ou de transmutation des émotions qui permettent aux émotions de s’exprimer mais de ne pas s’imprimer dans le corps. Car rappelons nous, que « tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime » et « tout ce à quoi je résiste persiste ». J’aime rappeler également que « tout ce à quoi je fais face, s’efface ».

Plus précisément, quand nous avons des pensées ou des émotions désagréables, il s’agit donc de les observer dans une attention vigilante, consciente, mais de ne pas lutter mentalement avec elles. Pour conserver un « centre de gravité énergétique » équilibré, il s’agit alors, par exemple, de revenir à l’attention au corps ou à la respiration. Quand nous revenons à l’attention, à la conscience du corps ou à sa respiration, se produit automatiquement, le « lâcher prise » qui n’implique pas de lutter mentalement contre une pensée, un désir mais qui permet de se recentrer ici et maintenant.

Qu’est-ce qui nous prive de notre liberté ?

Ce qui nous prive souvent de notre liberté, c’est que nous sommes dépendants de toute notre histoire passée. En psychologie, nous identifions, par exemple, tout ce que nous avons reçu dans notre enfance, comme traumatismes, blessures ou conflits divers. Ils se sont souvent imprimés en nous et nous amènent à avoir la répétition des mêmes réactions, des mêmes attitudes qui nous empêchent d’être créatifs dans notre vie. 

Nous sommes souvent devenus dépendants des conditionnements liés à notre histoire. Ces conditionnements passés enfreignent considérablement notre capacité à être libre et à nous libérer. Si nous voulons progresser sur la voie de la libération intérieure, nous devons apprendre à nous déconditionner de ces voiles, de ces attachements et de toutes fidélités inconscientes.

Ce travail est un réel travail sur soi qui nécessite courage et persévérance. Cela nécessite une véritable discipline. C’est un véritable entraînement qui nous mène vers la voie de la libération mais également une autre voie, celle qui consiste à nous poser deux questions essentielles : « Qui suis-je ? » et « Qu’est-ce que l’esprit ? »

L’autre empêchement à la liberté, ce sont les habitudes. Les freins à la liberté sont souvent les désirs, l’aversion, l’ignorance, ce que l’on considère souvent comme des « poisons de l’esprit », mais les habitudes sont des poisons beaucoup plus subtils. On ne s’en rend pas toujours compte, mais nous sommes dépendants de nos habitudes. Cela restreint véritablement nos vies. Nous pouvons vivre dans une espèce de carcan, de bocal, sans même nous en apercevoir. On peut suivre alors toujours le même type de chemin, avoir toujours le même type de fonctionnement, avoir toujours le même type de pensées et perdre significativement en créativité et finir par fonctionner d’une manière machinale, automatique. Et malheureusement, avancer dans la vie comme des « morts vivants ».

Prendre conscience de nos habitudes, de nos conditionnements, nous permet de nous libérer et de nous apprendre à être vraiment vivant c’est à dire ici et maintenant.

Liberté et responsabilité, un couple indissociable ?

Si on considère que quelqu’un n’est pas libre, on va dire qu’il n’est pas responsable. Nous sommes l’auteur de nos paroles, de nos actes, nous avons une certaine liberté de parole et d’actes également. Sauf que si nous causons de la souffrance, nous devons également assumer la responsabilité de ces paroles et de ces actes. La liberté est ce qui conditionne la responsabilité. La responsabilité signifie que l’on est tenu responsable de ce que l’on a dit et fait, c’est à dire que l’on doit en assumer les conséquences. Non seulement assumer les conséquences mais aussi assumer la réparation. Un exemple, si l’on blesse quelqu’un, on doit en assumer la réparation par les excuses, le repenti ou tout autre action réparatrice.

Quels sont les pièges à la liberté ?

La liberté n’est pas la liberté de tout dire ou de tout faire. Nous l’avons vu, la liberté implique la responsabilité. Nous le voyons aujourd’hui, notre façon de consommer a des conséquences écologiques désastreuses au niveau planétaire. 

Un des pièges de la liberté est de se « croire libre », libre de tout faire, de tout dire et de ne pas tenir compte des conséquences de ses actes ou de ses paroles. Un des pièges consiste également à ne pas fixer de limites à sa liberté. Ma liberté implique celle des autres, je ne peux pas vivre sans tenir compte de la liberté des autres. La liberté implique donc une notion de tolérance. « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » mais je dirai également que « La liberté des uns commence là où commence celle des autres ».  

Cette expression est à la fois un précepte et un proverbe. Elle nous apprend à restreindre les libertés en communauté, mais elle est aussi utilisée pour mettre en garde contre tout abus de pouvoir.

Enfin, un des principaux pièges réside dans l’idée d’avoir et d’obtenir la liberté. Ceci consisterait encore en un attachement. La liberté est une valeur fondamentale de l’être humain mais elle doit rester une valeur sans le désir obsessionnel de l’obtenir. Cela consisterait de nouveau, un attachement et un désir de l’avoir et non de l’être.

Conclusion

Oui Jean-Pierre, la liberté est un véritable chemin et elle est toujours relative…